Les plantes médicinales populaires en culture occitane

Total Festum aux Cabanes de Mauguio 24 juin 2022
Les plantes médicinales populaires en culture occitane
Copyright texte et photos Josiane UbaudEthnobotaniste en domaine occitan
L’atelier sur les plantes de la Saint-Jean et les plantes médicinales populaires en général a retenu l’attention d’un public nombreux. Diverses plantes avaient été cueillies auparavant pour pouvoir les faire circuler dans l’assistance : les sens tactiles, visuels et olfactifs de tous ont donc été mis à contribution.
 
Il a été rappelé l’importance symbolique de la SaintJean, fête du soleil, et la tradition de fixer une date ritualisée pour la cueillette des plantes, censée renforcer les propriétés des végétaux. Des cueilleurs professionnels (souvent en montagne) descendaient vendre dans les grandes villes leurs cueillettes sur le marché aux simples le jour de la SaintJean.
Les cueillettes se faisaient aussi familialement.
 
La plante de la SaintJean par excellence est le millepertuis. Il pond à plusieurs crires : ses fleurs jaune d’or (couleur de la connaissance, et non jaune soufre, couleur du diable), ses étamines nombreuses jaillissant des corolles comme des rayons de soleil, en ont fait extérieurement la plante idéale contre les maléfices, d’où un de ses noms occitans de caçadiable (chassediable). Ses multiples « trous » (en ali glandes translucides remplies d’huile essentielle) l’ont fait utiliser comme vulnéraire, en vertu de la théorie archaïque de la signature (si elle a des trous, c’est qu’elle sert à guérir les trous, donc les blessures). Ses sommités fleuries étaient mises à macérer dans de lhuile dolive sur le rebord d’une fetre : l’huile devenait rouge, d’où son autre nom de èrba de l’òli roge, herbe de l’huile rouge. Elle guérissait les plaies, les brûlures, les douleurs rhumatismales, les entorses, etc. Enfin il était de mise de sauter le feu de la SaintJean avec un bouquet de millepertuis à la main, en criant trois fois « Sant Joan la grana ! » : ce bouquet (béni ensuite
par le curé) était censé protéger la maison de tous les maléfices. Son autre nom de trescalam (tres, trois, calamein, appeler) lui viendrait de cette tradition qui semble donc fort ancienne.
 
Une autre plante importante était aussi lachillée millefeuille obéissant elle aussi au principe de la signature : ses feuilles finement découpées guérissent forcément les coupures. En dehors de milaflhas, elle porte donc aussi le nom de èrba dau talh (herbe de la coupure), èrba de l’enrelhadura (herbe de la blessure du soc de charrue, la relha).
 
Plusieurs autres plantes ont été présentées, avec leurs noms occitans, lexplication de ces noms, et leurs petites histoires associées : la brotonica (germandrée) et l’olivièr (olivier) contre l’hypertension, l’artemisa (l’armoise) comme plante de femmes associée à la déesse Artémise (déesse de la lune, régulant donc les cycles menstruels), les labiées (la frigola, la pòta, le thym ; lo romanin, le romarin ; lo pebre d’ase, la sariette ; l’origan, l’origan) dont on a pu comparer les odeurs ; l’immortala ou èrba dau catarri, l’immortelle, donc bonne pour les rhumes (catarri) ; la santolina ou gardarauba à la forte odeur camphrée (la santoline, mise dans les armoires pour proger des mites, et aussi utilie comme vermifuge).
 
De nombreuses autres plantes ont été montrées et nous avons insisté sur le fait qu’il est impossible de classer une plante dans un seul tiroir : toutes ont de multiples vertus, ont eu et ont encore de
nombreux usages (médicinal, comestible, ludique, décoratif, symbolique, etc.). Ainsi l’achillée est aussi une plante de femmes, donc servant à traiter les syndromes prémenstruels ; la sariette est désinfectante mais aussi antidiarrhéique et aphrodisiaque. Nos anciens savaient utiliser toutes les plantes présentes dans leur environnement et comment (concentration, durée de la cure), en rappelant l’évidence que « c’est la dose qui fait le poison ».
 
Le rabaissement des savoirs populaires et des langues dans lesquels ils étaient exprimés a conduit à une perte tragique de ces savoirs, récupérés ensuite sans vergogne par les laboratoires. Les peuples, qui en étaient porteurs depuis des millénaires, ont donc été vidés « de leur substantifique moëlle ».

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