Nous sommes les descendants des Terramares

Par Marie Josais Fages-Lhubac 

Terramares, vient du latin terra, terre et mares, marais. Ce terme désigne la première vague de peuplement dans les zones marécageuses, au II ème siècle avant JC, dans la péninsule italienne, par les Indos Européens.

On pense que cette première vague de peuplement Indo Européen fut à l’origine des peuples latins, falisques et sicules.

Leur habitat était de type pilotis ou palafittes dites palustres (construits sur les marais et les étangs).

Les populations de ces villages ont notamment contribué en Europe, à la mise au point de technique remarquable du drainage, des digues, des canalisations, des égoûts.

Aujourd’hui, les habitants des Cabanes du Salaison vivent encore sur les marais, comme  le faisaient autrefois, les étrusques et hommes et femmes du néolithique, les terramares,  dans notre secteur. Voilà ce que nous en dit Jean Méhu, dans un livre intitulé « Histoire du Lubéron » :

« Mais qu’en était-il au II° millénaire ?
On sait qu’en Languedoc oriental, au Bronze final, des groupes issus d’horizons très divers se retrouvaient à la belle saison sur les rives de l’étang de Mauguio pour y pratiquer la pêche, le ramassage des coquillages ou du sel, et pour procéder aussi à des échanges. On y célébrait également des cérémonies dont les figurations du Mailhacien I pourraient conserver le souvenir, et d’autres plus secrètes sans doute : ainsi qu’en témoignent des crânes humains brisés, on s’y adonnait encore parfois au cannibalisme.
Ces réunions (qui rappellent les rassemblements saisonniers fréquemment mis en scène par les romanciers pendant le Paléolithique) n’impliquent certes pas le déplacement de toute la tribu : il semble même plus logique d’envisager qu’une partie de celle-ci restait à garder un trésor constitué essentiellement de réserves (céréales, semences) qu’il eût été dangereux de risquer sur des pistes incertaines.
On peut donc parler d’un semi-nomadisme – ou, mieux, (…) d’une semi-sédentarité qui met l’accent sur l’aspect pérenne de l’habitat de base. »

 

En effet, l’occupation des rivages de l’Etang de Mauguio, remonte  à l’époque du bronze. Il suffit d’aller à la Salle Morastel à Mauguio, pour découvrir l’habitat de cette époque, les coutumes et de nombreux vestiges : céramiques, urnes funéraires, outils, bijoux, etc

A l’âge du Bronze, notre zone n’était donc pas une zone d’habitats diffus, au contraire.  Toute  une répartition « en chapelet » des habitats lagunaires, le long des rives de l’étang de Mauguio est attestée et la civilisation des hommes des marais : l es terramares, est avéré. Ces hommes et femmes avaient d’ailleurs des échanges commerciaux réguliers, avec les Etrusques, par le biais de l’étang.

Cette civilisation, qui n’est plus apparente aujourd’hui quand on se promène aux cabanes de l’étang de l’Or, devrait, à mon avis, être revalorisée et redevenir visible, tout comme la longue tradition de la pêche à la Maniguière sur l’Etang de l’Or.

En effet,  tout au long du Moyen âge et ce, du XI iéme jusqu’au XVIII iéme,   les Cabanes du Salaison connurent une intense activité économique et culturelle, liée au phénomène des Maniguières ,  haute technique de pêche médiévale, répandue dans toute l’Europe et particulièrement riche aux cabanes de Mauguio.

L’Etang de l’or fut un des Haut lieux de cette technique de pêche, dont Marie josé Guigou  retrace l’historique dans un livre remarquable :

«  Les maniguières de l’Etang de l’Or  »,

consultable à la médiathéque de MAUGUIO :

Voilà ce qu’il en est :

 Vers l’an 1000, Montpellier vient de naître. A cette époque très religieuse, Montpellier et les villages alentours consomment beaucoup de poissons. Or l’ensemble lagunaire de l’Etang de l’Or, regorge de poissons. Leur capture, grâce aux maniguières (pêcherie formée de filets tendus sur des pieux aboutissant à des manches, dans lesquelles entrent les anguilles »)(1) va être des plus aisées.

Au Moyen âge les notables vont même jusqu’à  financer la construction des maniguières que les rentiers prennent en fermage. Ces derniers embauchent des pêcheurs qui exploiteront la maniguière et vivront dans des cabanes  faites de pierre ou sur pilotis .

En effet, chaque maniguière possède une cabane « qui devait être rendue en l’état par les pêcheurs, à qui elles étaient louées durant le temps de la pêche ». (2)

 Cette pêcherie devient très vite florissante. Les maniguières abondent, les bordigues aussi  ( pièges fixes en forme d’arbalète). Il faut pour chaque maniguière environ 6000 roseaux et 300 piquets qu’il faut changer tous les ans. Le marais, l’étang et les graus(3) sont  bientôt parsemés de ces labyrinthes composés de roseau (les bourdigous).

Un espace lagunaire est concédé à chaque rentier, sous acte notarial, avec une digue de 4 mètres et une étendue d’eau de chaque côté d’environ 130 mètres. Des pieux de bois d’une hauteur de 2 mètres vont délimiter leur propriété et ce jusqu’au  18 ième siècle, où ils seront expropriés en faveur de la construction du canal des étangs.

En 1701, la construction du canal de la Province , du Rhône à Sète, mettra fin à cet Art moyenâgeux, ce savoir- faire qui aura duré 8 siècles.

Le coup de grâce sera ainsi porté à cette grande pêche méridionale de l’Etang de l’Or.

Cet art de la Maniguière, se pratique encore de nos jours, en Italie, sur le delta du Pô et les rives du lac Fusaro.

Le canal de la Province favorisera malgré tout le commerce en reliant le nouveau Port de Séte au Rhône, mais il aura changé la physionomie du littoral ; en divisant la lagune, la libre circulation des eaux   ne pourra plus se faire. La fermeture de certains graus et les déplacements des ouvertures naturelles appauvriront donc progressivement  les étangs jusqu’à aujourd’hui et feront disparaitre cette grande activité socio économique des maniguières sur l’Etang de l’Or.

CONCLUSION

 Au 1 er siècle de notre ère, les étangs salés de Mauguio et de Carnon, qui s’étendaient de Sète à Aigues Mortes, formaient avec celui de Thau, une seule et même lagune. Ce vaste champ de pêche fut décrit comme «  une mer intérieure » et ce surement depuis l’âge du bronze, d’où l’installation durable des hommes du néolithique sur nos marais. Le cordon littoral était une langue de terre ferme avec des pâturages, des vignes, des olivettes, des jardins, des prés et des champs.

 Melgueil   (de l’occitan malaiga, mauvaise eau),  aujourd’hui Mauguio, fut même un port au XII ème siècle, en état de recevoir les galères de Gênes et de Pise, par le grau du même nom,  seul grau qui a coexisté avec celui de Maguelonne au XII ème siécle.

La désignation  même de étang de L’Or renvoie à l’Hort : le jardin , (4) en ancien français et en occitan et renvoie donc aux maniguiéres qui  furent de somptueux  « jardins »   à poissons ,  occupés et cabanisés durant plusieurs siècles, alimentant les alentours.

La civilisation des Terramares, déjà présente sur les lieux au néolithique, pêchait le poisson, le salait, grâce aux salins qu’ils exploitaient localement, le fumaient grâce au charbon de bois élaboré aux Fournieux et l’acheminaient sur le Salaison, d’où son nom. Leurs habitations sur pilotis avaient résolu le problème des inondations et leurs conduites en roseau, bois ou bambou, le problème de l’assainissement. Que ces devanciers nous servent de modèle pour l’avenir!

(1) le Bescherelle

(2) Il en reste une aujourd’hui visible. Elle est en pierre, dans l’étang  et vous pouvez l’observer le long de la route de Carnon.

(3) «  Les échanges entre la mer et l’étang effectués par des brèches naturelles appelées : graus.

(4) On l’écrivait : l’étang de l’Ort

 

Au XXI ème siècle, à la Pointe du Salaison, on a toujours recours aux méthodes des Terramares d’il y a 10000 ans pour maintenir l’état des berges.

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